INTERVIEW

INTERVIEW – MUSSULO 40 JOSÉ CALDAS

Entre deux opérations chirurgicales, José Guillerme Caldas, navigateur Angolais-Brésilien, a pris le temps de se confier aux équipes de la Globe40. Il revient avec émotion sur son enfance en Angola, sa nouvelle vie Brésilienne où il est devenu un neuroradiologue interventionnel de renom et se projette sur son tour du monde à bord de son nouveau Class40…

José, tu es né en Angola, pays que tu as dû fuir en étant jeune au moment de la guerre civile, qu’est-ce que t’inspire l’enfance que tu as eu dans ces conditions difficiles sous une menace permanente ? Quels sont les premiers souvenirs de ces années qui te remontent à l’esprit ?

C’était une période particulière, dès que l’on sortait de la maison, nous étions fouillés entièrement plusieurs fois par jour. C’était la guerre totale mais nous étions finalement habitués à vivre avec ce risque. Je n’avais pas de peur particulière. Il s’agissait plutôt d’une guerre urbaine et les violences étaient surtout la nuit. J’étais un peu jeune et insouciant, j’allais à la plage en moto et j’étais inscrit au club de voile local.

A l’âge de 15 ans, tes parents ne supportant plus de vivre avec la peur et la menace permanente ont donc décidé de quitter l’Angola pour le Brésil. Comment as-tu fait pour te reconstruire tout en sachant qu’une partie de ta famille était encore en Angola ?

C’était très dur de quitter l’Angola. J’étais heureux là-bas malgré la guerre civile, c’est comme si on m’enlevait quelque chose alors que je n’avais rien fait de mal.

L’arrivée au Brésil était une période très difficile de notre vie. Je suis arrivé au Brésil avec ma mère et mes deux belles sœurs. Mon père et mes deux frères sont eux restés en Angola. Même si nous avions tout laissé en Angola et que nous avions très peu d’argent, ma mère m’a inscrite au meilleur lycée de Rio de Janeiro et je me suis refugié dans le travail et les études. Je n’ai pas eu une jeunesse normale et un parcours facile mais cela m’a aidé à devenir l’homme que je suis aujourd’hui. Lorsque je veux quelque chose, j’y arrive très souvent. Je vais au bout de mes objectifs, le prochain est d’être au départ de la Globe40 !

Malgré cette enfance difficile, tu as réussi à accomplir ton rêve, à savoir celui d’être médecin où tu as même été le premier au Brésil à travailler dans la neuroradiologie.

Oui j’ai étudié à Vittoria dans le Nord du Brésil et après avoir terminé mes études je suis venu à Sao Paulo pour ma spécialisation en neuroradiologie avec une période de 3 ans à Paris.

Tu es d’ailleurs très reconnu puisque je crois que tu soignes même la femme du Président Lula… ?

Oui c’est vrai que j’ai soigné son ex-femme. C’est une bonne anecdote…je soigne également plusieurs politiciens, juges, acteurs et actrices.. Je travaille aujourd’hui dans le plus grand hôpital public de l’Amérique du Sud et je suis directeur du service de radiologie du plus grand hôpital privé de Sao Paulo. Je donne également des cours à l’université de Sao Paulo, c’est important pour moi de transmettre aux jeunes générations.

La voile a toujours été un moyen de t’évader, comment as-tu découvert ce sport ?

J’ai commencé à naviguer avec mon frère ainé dès l’âge de 9 ans en Angola. Au Brésil, j’ai navigué sur des bateaux prêtés par le club en échanges des cours de voile donnés aux enfants. Je naviguais de manière régulière jusqu’à ma 3ème année de médecine. Malheureusement après je n’avais plus le temps de concilier les deux donc j’ai dû arrêter la voile pour une longue période.

Jusqu’au moment où tu t’es lancé dans la course au large… Quelles ont été tes premières navigations en course ?

J’ai repris la voile lorsque j’avais 39 ans…de longues années sans voile où j’étais vraiment focus dans le travail. J’avais vraiment besoin d’une pause donc j’ai acheté un 30 pieds et quelques années plus tard je suis rentré en Angola ! 30 ans plus tard exactement. C’était ma première transatlantique en solitaire et arriver en bateau sur l’ile de Mussulo était un moment fort. C’est ici que j’ai tiré mes premiers bords et appris à faire de la voile. C’est d’ailleurs pour cela que j’appelle mes bateaux Mussulo depuis que j’ai dû fuir l’Angola. Cette traversée en solitaire a été un déclic. Ça m’a donné l’envie du large.

Avec plus de 20 transatlantiques, mon dernier projet a été avec le Class40 n°107 avec lequel j’ai pris le départ de nombreuses courses: Cape 2 Rio que j’ai d’ailleurs gagné, Transat Jacques Vabre, Atlantic Cup, RORC Caribbean 60, Championnat du Monde Class40…

Le Brésil est plus un pays de football, quelle est la place de la course au large en Amérique du Sud et particulièrement au Brésil ?

Oui malheureusement la course au large n’est pas très développée au Brésil. En revanche, il y a un vrai vivier en voile légère. Pour te donner un exemple concret, la voile est la discipline qui a le plus gros potentiel de médailles olympiques pour le Brésil.

La voile est un sport qui coute cher et c’est un sport qui est réservé à l’élite. Peu de brésiliens pratiquent la voile en réalité et ceux qui en font se tournent plus vers la croisière.

La plus longue course au Brésil est la REFENO, de Récife à Fernando de Noronha, et fait seulement 300 miles.

Après plusieurs années avec le n°107, tu as fait l’acquisition du Class40 n°151, un bateau performant auteur de très belles performances sur la Transat Jacques Vabre ou la Route du Rhum ? As-tu déjà navigué dessus ? Quelles sont tes premières impressions ?

Le Class40 n°107 est vraiment un super bateau, j’ai pris beaucoup de plaisir à naviguer dessus pendant plusieurs années. J’ai en effet fait l’acquisition du Class40 n°151 parce que je voulais vraiment un bateau plus performant dans l’optique de la Globe40. Lorsque l’opportunité du 151 s’est présentée à moi, je n’ai pas hésité. J’ai fait une navigation de Vigo à La Corogne à bord et j’ai tout de suite senti l’écart de performance. Je suis très content du bateau. C’est un des meilleurs bateaux de sa génération.

 Tu es inscrit à la 2ème édition de la Globe40, comment t’est venue l’idée de participer à ce tour du monde ?

J’ai suivi avec intérêt la première édition de la Globe40 et c’est une course qui est faite pour moi ! J’ai déjà fait plusieurs transatlantiques, je veux maintenant découvrir autre chose. C’est le projet parfait pour ma fin de carrière.

Où en est-tu dans la préparation de ce projet ? As-tu l’ambition de créer un équipage 100% brésilien ?

Le bateau est en super état. Je vais le laisser en hivernage cet hiver et revenir au printemps prochain pour m’entrainer sur le bateau. Le projet sera 100% brésilien avec un co-skipper talentueux. J’essaie de profiter de toutes les opportunités ici au Brésil pour naviguer. Il y a un vieux Class40 au Brésil et on va s’entrainer ici à bord de ce bateau lorsque je ne pourrais pas venir en Europe.

Quels sont tes objectifs et ambitions sur le tour du monde ?

Avec le Class40 n°151, j’ai un réel objectif de performance. On peut naturellement avoir plus d’espoir. L’objectif pour le moment est d’être prêt, je suis en train de construire une équipe autour de moi pour mettre toutes les chances de mon côté et espérer faire une belle course.

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