INTERVIEW

DJEMILA TASSIN

Tu es née aux Iles Canaries à La Palma, comment t’es venue la passion pour la mer et l’envie de devenir navigatrice ?  

J’ai commencé toute petite puisque mon papa avait une petite embarcation qui m’a permis de rapidement faire des ronds dans l’eau sur la côte Ouest de la Palma. On ne naviguait pas forcément très souvent mais assez pour me faire aimer ce sport. Ma famille paternelle a aussi beaucoup navigué, ils avaient des écoles de voile légère et du coup j’ai beaucoup entendu parler de voile dans la famille. C’était pour moi un imaginaire qui me faisait rêver.

A 18 ans, j’ai fait une transatlantique en bateau stop et c’est là que j’ai eu le vrai déclic. J’ai commencé par la suite à faire du Mini 6.50 lorsque j’étais à l’université et ensuite je n’ai jamais arrêté pendant 5 ans. Ma passion pour la mer est vraiment venue du fait que je vivais au bord de la mer, où j’ai grandi sur une ile à contempler tous les soirs des couchers de soleil sur l’océan.

Quel est ton parcours nautique et tes expériences passées ?

Mon parcours nautique est globalement axé sur mes deux campagnes en Mini 6.50 avec entre-temps quelques expériences sur d’autres bateaux quand j’en ai eu l’occasion. J’ai eu quelques expériences en Figaro, en Class40, en convoyage ou en course mais c’était principalement du Mini 6.50. J’ai participé il y a quelques mois à une étape sur l’Ocean Globe Race, ce qui m’a permis de faire une transpacifique en course sur des voiliers vintage. J’ai donc déjà eu l’occasion de passer le Cap Horn en équipage.

Tu as participé aux deux dernières éditions de la Mini (2021 et 2023) que retiens-tu de ces expériences tant dans la préparation des projets que des courses en elles-mêmes ?

L’édition 2021 était ma première Mini Transat, j’ai mis 3 ans pour être prête à prendre le départ. J’ai vraiment appris beaucoup de choses. Ma courbe d’apprentissage a été énorme. Quand tu commences et que tu ne connais rien, tu as absolument tout à apprendre, la technique, la régate, la navigation. En 2023, c’était très différent, j’étais bien mieux préparé et faisait partie du meilleur centre d’entrainement que l’on puisse avoir. Mon objectif en 2023 était clairement un top 5 voir un podium. Malheureusement, je n’ai pas performé comme je l’aurai voulu malgré une très belle 1ère étape. J’ai terminé 10ème au classement général donc un résultat assez décevant mais j’ai appris de mes erreurs.

On dit souvent que la Mini Transat est la meilleure école pour devenir un grand marin ? tu es d’accord avec ça ?

La Mini Transat est une super école pour devenir autonome et être ultra polyvalente sur un bateau puisque l’on est amené à gérer un projet dans sa globalité. Maintenant selon moi pour en faire un grand marin, il en faut bien plus que ça et. Il faut surtout multiplier les supports pour être à l’aise sur tous types de bateaux.

La place des femmes dans la course au large est un sujet pris au sérieux aujourd’hui. Quel est ton point de vue sur ce sujet ? penses-tu qu’il est plus difficile pour une femme de se faire une place dans ce milieu et comment expliques-tu qu’il y ai encore si peu de femmes au départ des grandes courses ?

On se pose toutes évidemment cette question, pourquoi sommes-nous pas plus nombreuses au départ des courses ? Je pense qu’il y a un énorme manque de référent, c’est très difficile de se lancer dans un sport où on ne se sent pas forcément légitime d’y aller. Monter un projet de course au large est aujourd’hui très difficile alors nous avons besoin de se sentir soutenue. Le plus difficile pour une femme est de se projeter dans l’imaginaire que déjà c’est possible. La réalité est que c’est compliqué pour une femme de trouver des partenaires. On nous dit souvent le contraire mais en fait au moment de signer les contrats on voit bien que c’est jamais évident. J’espère vraiment que cela va évoluer.

Parlons maintenant de la Globe40 ou tu fais partie du team Volvo Curium de Jonas Gerckens, comment s’est présentée cette opportunité ?

Il y a quelques années au retour de ma première Mini 6.50, j’avais écrit à plusieurs skippers de Class40 pour leur dire que j’étais disponible pour des convoyages avec la soif d’apprendre. Jonas m’a tout de suite répondu dans l’intérêt de faire naviguer une belge sur son projet et m’a donc proposé de venir naviguer avec son équipe. J’ai fait un premier convoyage avec lui qui s’est très bien passé et à partir de là on a commencé à garder contact. Il m’a inclus de plus en plus dans ses projets de navigation et j’ai participé à l’Armen Race avec eux l’an dernier. Il m’a dernièrement proposé une place de co-skipper sur la Globe40.

Quel est ton rôle au sein du team Volvo Curium et en particulier dans la préparation de la Globe40 ?

D’un côté je fais de la préparation sur le bateau avec le préparateur principal. Mon rôle au sein du team est aussi d’apporter un peu de mixité, je pense que c’était important pour Jonas de faire naviguer des jeunes, une femme et du coup je cochais bien cette case-là. La Québec Saint Malo va nous permettre de prendre en main le bateau et de voir aussi si tout se passe bien à bord avec moi.

Tu seras donc un des co-skippers de Jonas Gerckens, sais-tu déjà sur quelles étapes vas-tu naviguer ? et comment s’est fait ce choix ?

Oui je sais déjà sur quelles étapes je vais naviguer, en revanche ce n’est pas encore public donc je ne peux pas en parler. Après le choix s’est fait en commun avec les 3 autres personnes navigantes, Jonas, Renaud et Benoit. Étant donné qu’ils ont plus d’expériences et de vécu dans le projet ils ont eu un peu plus de liberté pour choisir les étapes qu’ils voulaient faire. Je suis encore la junior de l’équipe donc c’est comme ça que les étapes se sont choisies. Après le tour du monde est l’année prochaine donc cela peut encore évoluer.

Que ressens-tu à l’idée de t’engager sur une course autour du monde comme la Globe40 ?

Je suis vraiment une fan du grand large donc les grandes étapes m’attirent énormément. J’ai hâte de découvrir tous les océans, j’ai envie de quitter l’Atlantique Nord pour aller voir ce qu’il s’y passe ailleurs. Le Class40 est un support assez simple, un peu comme un gros Mini 6.50, pour moi ce sera plus facile à prendre en main. L’objectif est de prendre de l’aisance sur ce type de bateau pour pouvoir après essayer de monter mon propre projet en Class40 plus tard.

Quels sont tes échéances sportives jusqu’au départ de la Globe40 2025 ?

Pour l’instant le prochain objectif est la Québec Saint Malo. Ensuite nous aurons le championnat du monde double mixte en Class30 avec Jonas au mois de septembre. On va surtout beaucoup s’entrainer sur le bateau afin d’être prêt pour le tour du monde.

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